mardi 8 avril 2008

Former et se former:Le défi des Petits dans le monde des Grands

Vivre dans un monde globalisé, c’est vivre dans un monde de compétition économique exacerbée où les limites spatiales et temporaires sont brouillées. Simple construction symbolique ou réalité ? De toute évidence, la vogue du concept de mondialisation est annonciatrice d’une autre façon de vivre l’espace et le temps. Une façon d’organiser la production de la richesse, aussi. En économie politique, en vingt ans, le principe des avantages concurrentiels s’est progressivement substitué au principe des avantages comparatifs. Et suivant cette option, l’économie du savoir structure le nouveau monde dans lequel le savoir est devenu le principal facteur d’inégalité entre les nations.

Du fait de la mondialisation, les sociétés sont prises dans une tourmente, contraintes à une véritable mue. Pour répondre aux exigences politiques, économiques et surtout intellectuelles de gestion de cette transformation au forceps, il faut des hommes dotés de la ressource-savoir (savoir, savoir-faire et savoir-être) adaptée aux nouveaux enjeux d’un monde en perpétuel recomposition. D’autant plus que le siècle qui débute interdit tout recours aux kits idéologiques du passé qui n’offre aucune recette pour gérer le présent. Puisqu’il n’existe plus de modèles transposables ici et ailleurs, plus que jamais, la réinvention permanente du « soi collectif » est désormais un impératif.

Dans les pays du Nord, l’existence d’un espace public favorise une mise en débat des questions nouvelles même si la recherche de solution n’est pas évidente. Des mécanismes de mise en compétition des intérêts et de régulation politique toujours renégociés, travaillent à la transformation de ces sociétés de l’intérieur. La logique du questionnement et de la remise en question est poussée au bout, au nom des principes de responsabilité et de précaution qui fonctionnent comme des philosophies régulatrices. Le champ du possible est exploré par la science tandis que la ethnoscience expérimente la créativité grandeur nature. Le débat éthique s’interpose avec plus ou moins de succès pour freiner ceux que Benveniste appelle les "Ayatollahs de la science", insuffler un peu plus de transparence dans l’activité technoscientifique, réguler les usages qui peuvent en être faits. Les affaires de "sang contaminé", de "vaches folles", de contamination à la dioxine peuvent être utilisés par les esprits conservateurs pour créer la peur en entretenant la confusion entre l’exploration des capacités du potentiel scientifique et la machinerie scientifico-technique et politique qui en use et en abuse. Mais, c’est oublier que l’histoire de l’humanité est faite aussi de ratés. La force d’une société tient dans sa propension à cultiver la prise de risques du savoir et les savoirs du risque, à donner sens aux échecs qui peuvent en résulter, mais surtout à tirer leçons de ces échecs.

La quête de vérité, la quête des choses cachées par la nature, n’a pas de prix, même si elle a un coût. De plus, les philosophes pragmatistes américains comme Charles Sanders, Peirce, William James ajouteront que ces vérités ne sont pas immuables. Car toute vérité est tout simplement une connaissance plus ou moins utile à un moment donné de l’histoire. Et cela vaut autant pour les croyances ordinaires, les connaissances scientifiques, les valeurs morales que pour les doctrines politiques. Le principe de dévoilement au cœur de la production explicite de ces “ connaissances utiles ” est une force incontestable de l’Occident. Il n’y a aucun complexe à le reconnaître. L’Europe occidentale a vite compris que le tout n’est pas d’être le père de telle ou telle autre invention. Il est plus essentiel d’en assurer la pérennité et la diffusion. Sur la base de ce principe, l’Europe et son extension (Les Etats-Unis) sont devenues la pompe à propulsion de connaissances qui ont parfois leurs souches ailleurs. Le culte de la connaissance y justifie la mise en place des instruments de sa production et de sa reproduction (laboratoires et centres de recherche, réseaux de circulation de l’information, universités et écoles de formations spécialisées, supports électroniques). Ces instruments fondent les piliers de leur domination économique, politique et culturelle dans et sur le monde. L’Europe et les Etats-Unis auront montré que la force d’une société se mesure moins à sa richesse en ressources naturelles qu’à l’aune de ressources humaines de qualité parce que capables de relever des défis existentiels. Leçon de choses cachées pour les Petits de ce monde : Eduquer plus et mieux doit être le défi à relever. Car, tout enfant éduqué, formé et surtout bien formé est une haute valeur ajoutée à la société.


31 mars 2008

Prof. Francis AKINDES
Université de Bouaké / IRD Petit Bassam
BP 1245 Abidjan 06 Côte d'Ivoire
Autre email : akindes@ird.ci


Source : AFROLOGY

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