dimanche 27 avril 2008

Idées pour le développement : Faire preuve d'imagination pour régler le problème de la faim dans un monde en changement

Pour ceux d'entre nous qui travaillons dans le monde humanitaire, le problème de la faim représente un enjeu de taille à l'aube de ce 21e siècle. Le Programme alimentaire mondial (PAM) est la plus grande agence humanitaire au monde, reconnue pour intervenir rapidement et efficacement dans les situations d'urgences soudaines et imprévues. Malheureusement, toute la planification, la préparation ou la prévention possible n'auraient jamais pu nous préparer à la situation à laquelle nous sommes tous confrontés aujourd'hui.

Nous sommes une organisation qui achète des vivres en quantité considérable que nous transportons du champ aux bénéficiaires. Mais nous sommes aujourd'hui pris dans un étau entre les prix des céréales qui sont à la hausse et des besoins qui sont de plus en plus importants. Nous sommes sérieusement mis à l'épreuve.
Nombre d'entre nous appartiennent à une génération qui a connu de gigantesques excédents de production agricole. Dans les années 1960 et 1970, les économistes agronomes parlaient des « montagnes de céréales » et des « lacs de vin » produits par un monde industrialisé. Le défi qu'ils avaient alors à relever se résumait à trouver comment gérer cette surproduction. Aujourd'hui, ces montagnes s'érodent et ces lacs s'assèchent.
L'année prochaine, il est prévu que les stocks mondiaux de céréales atteindront leur niveau le plus bas depuis trente ans, ce qui confirme bien que nous vivons dans une ère de production agricole post-excédentaire. L'offre diminue et les prix flambent à cause de pressions que nous ne contrôlons pas:

* La croissance de la population mondiale explose. Nous sommes actuellement 6,7 milliards. Les Nations Unies estiment que la population mondiale atteindra les 8 milliards d'ici à 2025 et 9,1 milliards d'ici à 2050. Ce sont les pays en développement qui absorberont la grande majorité de cette augmentation.
* Les biocarburants : nous faisons face à l'essor récent de la transformation des produits agricoles en carburant. Les agriculteurs vendent leurs récoltes de maïs à des producteurs d'éthanol.
* La croissance économique : les populations d'Inde et de Chine sortent progressivement d'une pauvreté extrême et souhaitent à leur tour consommer des oeufs, des produits laitiers et même du poulet à l'image des pays développés. Quasiment tous les animaux qui produisent du lait ou des oeufs se nourrissent de céréales. En d'autres termes, les vaches et les poulets concurrencent les hommes pour le maïs et le blé.

Alors que le PAM lutte contre les sursauts imprévisibles des marchés agricoles, les producteurs, leurs familles et leurs clients font face au phénomène le plus aléatoire du monde actuel: le changement climatique. Les personnes les plus vulnérables dans les pays en développement dépendent de l'aide alimentaire du PAM quand frappent les catastrophes naturelles. Or, ces dernières se produisent de plus en plus souvent.

Nous affrontons actuellement les pires inondations que l'Afrique ait jamais connues de mémoire d'homme - les rivières sortent de leur lit de l'Atlantique à l'océan Indien, de l'ouest à l'est du continent. Dans certains pays comme la Somalie, de graves sécheresses ont été suivies quelques mois plus tard, de pluies diluviennes qui ont submergé des régions entières du pays.
Le directeur de l'office pour la coordination des affaires humanitaires de l'ONU a déclaré récemment que le nombre d'inondations, de sécheresses et de tempêtes en 2007 confirme ce que tout le monde pressentait : l'impact du changement climatique se fait déjà sentir. Autrement dit, il a confirmé ce que nous craignions le plus : les besoins d'assistance de la part d'agences telles que le PAM ne feront sans doute qu'augmenter.

La combinaison de ces trois facteurs - la croissance de la population mondiale, l'augmentation des prix des céréales et le changement climatique - place le PAM dans une situation particulièrement difficile : on nous demande d'en faire beaucoup plus, mais nos financements n'augmentent pas en conséquence. Nous venons de finaliser notre budget pour 2008 et 2009. En plus d'une hausse de 50 pour cent du cours des céréales sur les cinq dernières années, nous prévoyons une augmentation de 35 pour cent pour les deux ans à venir. Sur ces mêmes années, nous livrerons 780 000 tonnes de vivres en moins.

Comment faire face à ce défi? En utilisant l'aide alimentaire de manière encore plus intelligente. Par cela, nous entendons accomplir notre mission en éliminant non seulement la faim au moment même où nous intervenons, mais aussi en nous attaquant à ses causes profondes.
En Ethiopie, nous avons mis en place un projet pilote d'assurance contre la sécheresse qui couvre les pertes des producteurs quand un climat trop aride détruit leurs récoltes. Ce programme leur permet ainsi de planifier la prochaine saison plutôt que de grossir les rangs des populations contraintes à se déplacer.
En Afrique, nous achetons le plus souvent de la nourriture pour les personnes sous alimentées auprès de petits agriculteurs locaux. Le mois dernier, par exemple, nous avons acheté du maïs blanc à des agriculteurs du Lesotho. En effet, 77 pour cent de la nourriture que nous nous procurons par des achats en espèces provient de 70 pays en développement dans le monde. Nous achetons le plus possible en Afrique pour l'Afrique. Cette méthode ne permet pas seulement au PAM d'économiser, elle aide également à renforcer les moyens de subsistance des petits agriculteurs. A leur tour, ces derniers contribuent à soutenir leur économie locale.

Nous avons énormément appris sur le terrain durant près d'un demi-siècle et le défi auquel le PAM doit faire face consiste aujourd'hui à mettre ce savoir à profit, non seulement pour nourrir ceux qui en ont besoin mais aussi pour agir de manière à briser le cycle de la faim.
Auteur : Josette Sheeran :Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial des Nations Unies ---News Press---

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